Sept
ans déjà…sept ans qui sont passés à la
vitesse de la lumière ! Le canard est toujours vivant et ravi de l’être.
Et pourtant, à l’époque, on ne donnait pas cher de ma peau. Quoi de changé au bout du compte ?
Tout !
Dire
que je suis habitée par la sérénité et la
joie de vivre serait un euphémisme. En dehors des examens de contrôle
que je
passe régulièrement à l’Institut Curie, contrôles auxquels je ne peux
rien
changer (quand ils tiennent une cliente, ils ne la lâchent plus) le
reste
de ma vie s’est tout simplement et tout naturellement reconfiguré
autrement.
C’est comme si j’avais tout d’un
coup découvert que mon appartement était bien sympa mais vraiment pas
fonctionnel et plutôt mal éclairé, mal ventilé ou bruyant. Et que j’aie
décidé
de refaire les peintures, de créer de nouveaux espaces, de nouvelles
ouvertures
et de bazarder les éléments perturbateurs. De refaire tout du sol au
plafond
sans pour autant changer son âme.
J’ai fait de même dans ma vie
quotidienne. Je suis allée à l’essentiel en me disant que j’avais frôlé
la mort
de près. Que tout danger était loin d’être écarté et que si je voulais
mettre
une sérieuse couche de bonheur dans le cabanon pour y vivre mieux et
probablement autrement, il y aurait des choix parfois douloureux à
opérer. La
sérénité, c’est simplissime mais ça se
mérite quand
même !
Maintenant, quand un problème se
présente à moi, la première question que je me pose est la suivante :
« est-ce qu’on en meurt ? » Mis à part le ridicule qui peut
parfois tuer sauvagement, si la réponse à la question est oui, je lance
le plan
ORSEC. Si la réponse est non, je calme les esprits en me disant qu’il y a
certainement des choses plus graves que celles que je suis en train de
traiter ou
de vivre et qu’il n’y a donc vraiment pas lieu de s’affoler. Cela me
donne une
force inouïe qui, à l’occasion, me surprend moi-même. J’ai l’impression
d’avancer tel un rouleau compresseur. Plus rien ne m’arrête. Même si
j’ai
parfois infiniment peu de chances de réussir ce que j’entreprends, peu
importe.
Je tente quand même et…bien souvent …à la stupeur générale….ça
marche !!!!
Le culot me donne des ailes J’ai même l’impression de déteindre sur
François,
qui, maintenant se lance dans des entreprises qu’il n’aurait
probablement
jamais tentées auparavant, compte tenu du faible taux de réussite
escompté.
J’ai l’enthousiasme communiquant. Je sais que parfois j’en fais un peu
trop.
Mes proches me disent que je devrais me calmer, que je vais finir par me
(les ?)
fatiguer. Ca fait sept ans que ça dure, quand la fatigue viendra,
promis, je me
calmerai !
Autre détail et non des moindres,
je suis beaucoup plus à l’aise avec les personnes malades ou
handicapées. Cela
tombe bien puisque je travaille maintenant autour des nouvelles
technologies et
des enfants hospitalisés. Peut-être le fait d’avoir vécu moi-même les
agressions d’un crabe plutôt antipathique m’autorise une certaine
complicité
avec ces enfants qui se battent, à leur tour, contre la maladie. Par
exemple,
lorsque je dois traverser le service de réanimation d’un grand hôpital
dans
lequel j’interviens régulièrement, pour aller visiter un jeune ado
tétraplégique à la suite d’un accident de hand ball (et oui, ça n’arrive
pas
qu’aux autres!) je ne suis guidée que par son sourire, ses beaux yeux et
la
gentillesse qu’il dégage. J’oublie tout le reste. Nous nous
sommes tous mobilisés pour lui apporter un accès Internet dans son box
de réa.
A défaut de changer son avenir, nous avons changé son quotidien. C’est
maintenant lui qui nous communique sa force. C’est du moins comme cela
que je
ressens les choses. Je garde espoir pour que la médecine fasse de
rapides
progrès et qu’on arrive un jour à le tirer d’affaire et lui rendre ne
serait-ce
qu’un peu d’autonomie. J’ai la chance de pouvoir faire abstraction de
tous les
aspects rebutants de cette fourmilière environnante et de la dépendance
de cet
ado pour ne penser qu’au positif. Et c’est tant mieux ! Oui, la maladie
m’a changée.
Tout cela ne m’empêche pas de
trembler comme les copines dès que
j’ai un bobo qui pourrait évoquer une possible métastase. Je n’ai pas de
remède
miracle contre ce stress. S’il y en avait un je pense que ça se saurait.
Très
prosaïquement j’essaye de faire en
sorte que l’angoisse ne s‘installe pas durablement dans ma tête quand ce
type
de mésaventure survient. Alors sans être hypocondriaque au dernier
degré, je
prends les devants et me lance dans les examens nécessaires. Histoire,
par
exemple, de savoir si c’est de l’arthrose de la hanche ou une métastase
osseuse
qui me fait souffrir. Quand le radiologue me dit que j’ai une bonne
crise
d’arthrose j’ai envie de lui sauter au coup. Pas sûr qu’il comprendrait
très
bien mon geste si j’allais au bout de mon envie.
Je garderai toujours au cœur la
gentillesse des personnes qui se sont occupées de moi à Curie et qui,
pour
certaines sont devenues de grands amis (sœur Geneviève, le Père Noël,…).
Je
sais qu’un jour, si les choses devaient tourner mal pour moi, on
m’accompagnera
dans ma dernière ligne droite sans acharnement thérapeutique, sans
souffrance
inutile. Juste dignement. Une belle épine du pied en moins pour moi.
Pour l’instant nous n’en sommes
pas là. François, Garusse et moi vivons des jours heureux et essayons de
faire
profiter de ce bonheur tous ceux qui sont chers à nos cœurs. Et cela
fait
beaucoup de monde mais… quand on aime on ne compte pas !