Béatrice Maillard-Chaulin a préfacé le livre Cancer du sein.

Beaucoup de cancérologues emploient le terme de tunnel lorsqu’ils évoquent le cancer. Ils disent qu’ils nous aident à le traverser pour nous emmener vers une possible guérison. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette image du souterrain.

Quand vous êtes sur une autoroute et que vous abordez un tunnel, vous rencontrez généralement quelques panneaux annonciateurs du type « allumez vos feux de croisement », « réduisez votre vitesse ». Bref, de quoi vous préparer !

Côté cancer du sein, le tunnel on y entre bien souvent sans aucune préparation, ni physique ni morale. Pour peu qu’on ait roulé un peu vite en amont, le choc est d’autant plus grand ! 

Tout se bouscule au départ de ce parcours du combattant. Les bons tuyaux affluent en masse. Il y a la bonne copine qui connaît très bien le cousin du Pr Dugenou, qui lui-même connaît très bien le beau-frère de …., il y a l’autre copine qui connaît bien une voyante extralucide, ….il y a la voisine dont la mère est morte d’un cancer du sein il y a 20 ans, il y a …..il y a ….

Il y a, au bout du compte, une belle situation de crise à gérer alors qu’on est entouré de conseillers de tous poils, qu’on a du mal à s’y retrouver et qu’il faut prendre des décisions claires, rapides et parfois irréversibles. Pas facile de composer avec tout cela !

Ce livre est l’ouvrage que j’aurais aimé trouver sur ma route le jour où j’ai entamé mon aventure contre le cancer du sein qui m’a frappée, il y a maintenant 8 ans.  Et pourtant on ne peut pas dire que j’aie manqué d’information ou d’attention de la part de l’équipe médicale à laquelle j’avais décidé d’accorder ma confiance et abandonné, le temps des soins, mon petit corps meurtri.

Le hic, c’est qu’il y a souvent un sérieux décalage entre les informations que l’on vous dispense et celles que l’on reçoit réellement. Disons que c’est à la fois une question de temps et d’humeur. Quand un médecin nous explique quelque chose, on n’est pas forcément en état de le comprendre. Pour ma part, je me souviendrai toujours du jour où le Dr Clough m’a annoncé que mon cancer était plus grave que ce qu’il imaginait et qu’il faudrait me retirer le sein en urgence. Ce jour-là, j’ai l’impression que mes neurones se sont brutalement fossilisés. Il aurait pu m’expliquer tout ce qu’il voulait, le très gentil Dr Clough, je n’imprimais plus !  C’est le lendemain ou le surlendemain que j’aurais aimé avoir des réponses aux questions qu’enfin je me posais. Sauf que mon interlocuteur n’était malheureusement plus à mes côtés pour y répondre!

Et puis il y a celles qui souhaitent en savoir un maximum sur leur maladie et celles qui ont décidé qu’elles préféraient ne pas trop s’encombrer la tête avec des détails techniques qui ne leur paraissaient pas indispensables. Il en faut pour tous les goûts. Ce livre nous permet de faire notre choix et d’aller faire notre « shopping » comme bon nous semble parmi cette mine d’informations.

A travers cette démarche, j’ai le sentiment de retrouver ce respect de mes libertés qui a accompagné en permanence mes relations avec l’équipe qui veillait sur moi. A aucun moment de ma maladie je n’ai été infantilisée ou déresponsabilisée. Conseillée, entourée, c’est quand même moi qui restais aux commandes. Grâce au comportement de ces médecins « nouvelle vague », j’ai pu jouer un rôle actif dans ce combat que nous avons mené ensemble et de cela je tire une grande fierté. Je leur adresse ici un immense merci.

J’ai maintenant deux souhaits à formuler. Le premier est que la recherche fasse de tels progrès que cet ouvrage devienne très vite obsolète et qu’une nouvelle édition nous apporte encore plus d’espoir. Le deuxième est que les médecins comme le Dr Krishna Clough ou les autres médecins que j’ai rencontrés autour de lui soient clonés dans les plus brefs délais afin que toutes mes petites camarades de galère (passées, présentes ou futures) les rencontrent elles aussi sur leur chemin. C’est tout le bien que je leur souhaite. Solidarité oblige !  


Béatrice Maillard-Chaulin
Auteur de « Journal d’un sein »